mercredi 16 mai 2007

Service Civique



Une révolution prend ses quartiers sous nos yeux : le service civique national. Comme la plupart des événements qui font date, les choses débutent en toute simplicité, sous les regards sceptiques, voire incrédules de bon nombre de témoins. Le fait se formalise, pourtant, avec la célérité et la rigueur imposées par les exigences de l’histoire.
Mettre l’énergie et le génie de la jeunesse au service du pays, résoudre en profondeur la question du chômage, réapprendre à vivre dans le respect des différences, affermir le sentiment d’appartenance à une même collectivité, restituer aux symboles nationaux leur primauté sur les particularismes…, sont autant de chantiers auxquels le projet entend faire face.


Les dégâts induits par la guerre bien qu’importants ne s’évaluent pas qu’en pertes matérielles. Ce que le député Kabran Appiah a appelé « la déplanification institutionnelle » – avec son corrélat d’incivisme et de maltraitance symbolique – n’a pas été sans effet sur le respect de la chose commune. Ainsi, la création d’un cadre propice à la revalorisation du réflexe citoyen ne saurait être de trop. Surtout quand on sait qu’un tel exercice peut aboutir, à terme, à une vraie capitalisation de la richesse nationale. Certaines lectures hâtives ne voient en cette réalité, qu’un moyen de formation ou d’insertion professionnelle.


Pourtant, l’objet du service civique est plus étendu. Au delà du savoir-faire, il y a l’invitation au savoir vivre. La moralisation, si nécessaire à notre économie nationale et à la bonne gouvernance, trouvent dans le service civique une rampe d’émergence certaine. Et bien que le SCN soit d’impulsion endogène, il se trouve être en phase avec les résolutions onusiennes, théoriquement favorables à la réunification.


S’il est vrai que l’accord de Linas Marcoussis et les arrangements qui l’ont suivi consacrent la nécessité de la réunification, il est tout aussi clair qu’une telle normalisation ne saurait se résumer à un terne replâtrage de fragments territoriaux. Pour avoir une âme, la réunification appelée de tous les vœux devra nécessairement être portée par un fondement théorique, un substrat conceptuel, une base restituant la prépondérance du pacte républicain sur les particularismes.


C’est donc le sentiment d’appartenance commune qu’il s’agit ici de renforcer, sans tomber dans les travers de l’exaltation identitaire, ni faire droit aux douteux slogans d’un appel à la promiscuité. Mené à bien, le service civique, ne pourra, dès lors, que servir de ciment et de ferment au développement d’une Côte-d’Ivoire riche de sa diversité.


Les sycophantes, bien sûr, tout en rappelant que le service civique national n’est pas nouveau, reprochent à l’Etat de Côte-d’Ivoire, de vouloir le réorganiser dans un contexte « de fragilité des institutions et de tâtonnement généralisé de tout notre système » (Nouveau Réveil N° 1557 du samedi 24 et dimanche 25). Voici donc un malade auquel l’on demande de ne surtout pas se soigner, précisément parce qu’il ne va pas bien !


La criminalité d’une telle prescription, ne s’arrête pas là ! Elle s’étale entièrement dans l’absurdité d’une cette autre affirmation « Un service civique ne peut prospérer que là où la majorité du peuple s’identifie dans des symboles forts, là où le peuple sent et comprend l’orientation des politiques entreprises par l’Etat ». Mais si les symboles étaient si forts et enracinés à quoi rimerait leur renforcement dans l’esprit de la majorité ?
Dans un climat d’« osmose civique » qu’est-ce qui viendrait rendre nécessaire l’instauration d’un SCN ?
Selon cette logique renversante, il faudra donc attendre de bien se sentir pour avoir besoin de traitement. Une telle approche, contribution prévisible à la lutte contre la normalisation, ne saurait faire perdre de vue l’importance du service. Il est vrai que l’absurdité reste l’une des constantes essentielles de l’actuelle opposition ivoirienne. Mais de là à vouloir amalgamer vessies et lanternes…


Le président Laurent Gbagbo, analysant la crise actuelle, l’a décrite, avec justesse, comme une crise de l’ignorance. Une telle description s’est vérifiée à plus d’un titre. Les développements de la crise ivoirienne montrent que certaines inflexions et complexifications auraient, sans doute, été amoindries, par un minimum d’assise théorique.


Excellentes Lectrices, Excellences Lecteurs, le Service Civique National n’est peut-être pas une panacée. Mais en dégageant l’horizon conceptuel des générations actuelles, il reste un pari sur l’avenir. En faisant échec à l'ignorance, il referme la porte au nez du sous-développement.

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