jeudi 21 juin 2007

Ouagadougou, Smith et le Machin


Plus de 100 jours après la fin du dialogue direct, aucune résolution onusienne n’est encore venue appuyer l’arrangement de Ouaga. Il y a eu, bien sûr, quelques déclarations, couplets radiogéniques au détour de plateaux convenus. Mais Marcoussis avait eu plus de chance ! Premiers vagissements parisiens et l’Onu ouvrait, grandement, le registre de la béatification.
Ce fut d’abord la 1460, 30 janvier 2003, auréole à la quatrième vitesse à un accord signé seulement 7 jours plus tôt.
Même célérité pour la 1464, seulement cinq jours après la précédente, puis la 1467, le 18 mars de la même année, variations onusiennes sur le même thème, la rhétorique en étant finalement ritualisée : ferme attachement à la souveraineté, réaffirmation de l’indépendance, intégrité territoriale, opposition à toute tentative visant à saisir le pouvoir par des moyens « inconstitutionnels », principes de bon voisinage, de non-ingérence et de coopération régional.

Puis vint à Abidjan, un jour, la bonne idée de se faire soigner à l’ « indigénat ». Cent jours donc que nos amours burkinabés – faut-il qu’il nous en souvienne – coulent sous le pont De gaulle et le magistrat onusien en reste coi. La forte délégation onusienne séjournant en ce moment en Côte-d’Ivoire a-t-elle le projet de faire mentir cette présomption ?

D’ailleurs, qu’est-ce qui vaudrait à la romance Ouagalaise de ne pas être aussi passionnante que sa jumelle française ? Son ancrage afro-africain ? Sa contestation tacite d’une malédiction africaine ? Sa façon si ouverte de prendre à contre-pied la catéchèse « Négrologique » ? Les idées dont se fait porteur, Stephen Smith expliqueraient à grands traits, le peu de succès de l’initiative négro-nègre de Ouaga ? Que l’accord burkinabé ne jouisse pas du même crédit que celui français se comprend, si l’on évalue le monde sur la base des axiomes smithiens, largement répandus dans l’imagerie occidentale.

Pour Stephen Smith, l’Afrique est une grande zone d’incapables, de sorte que : « Si l’on remplaçait la population – à peu près équivalente – du Nigéria pétrolier par celle du Japon pauvre, ou celle de la République démocratique du Congo par celle de la France, il n’y aurait plus guère de souci à se faire pour l’avenir du ‘géant de l’Afrique noire’, ni de l’ex-Zaïre. De même, si six millions d’Israéliens pouvaient, par un échange standard démographique, prendre la place des Tchadiens à peine plus nombreux, le Tibesti fleurirait et une Mésopotamie africaine naîtrait sur les terres fertiles entre le Logone et le Chari. Qu’est-ce à dire ? Que les Africains sont des incapables pauvres d’esprit, des êtres inférieurs ? Sûrement pas. Seulement, leur civilisation matérielle, leur organisation sociale et leur culture politique constituent des freins au développement… ».
Alors comment espérer d’une opinion peu indignée par les thèses biscornues précitées, qu’elle voie du même œil Ouaga et Paris. Non, il n’y a pas d’Arc de triomphe au pays des hommes intègres, pas plus qu’une Table ronde n’est un dialogue direct. Non, Ouaga n’est pas Paris, autrement Gbagbo et Soro auraient été de sérieux candidats au prix Suédois longtemps convoité par Houphouët. Et même quand l’accord de Ouaga viendrait à être appuyée d’une résolution onusienne, il ne serait jamais perçu par la Communauté dite internationale comme ce beau texte français, né en 2003 , à Paris, en temps de neige, emmailloté et chéri par le Machin, comme sauveur à noël.

Mais ce ne sera certainement pas en pleurnichant que l’Afrique et ses productions se verraient auréolées de crédibilité. Il faudra certainement d’autres « accords de Ouaga », non plus seulement au sens politique, mais plus, au sens économique, culturel, stratégique, partenariat fondé sur un socle local et s’imposant par leur rigueur et l’ambition de leur concepteurs.

A ce jour, le fossile ferroviaire Abidjan-Niger devrait déjà avoir vu fleurir un long réseau de voies parcourant l’Afrique d’est en ouest, du Sud au Nord. L’autoroute Abidjan-Johannesburg, épuisé de ne desservir que les songes devrait déjà avoir innervé le continent d’un nouveau champ de relations. Le chemin de fer Nairobi-Libreville, lui, attend toujours ses trains à grande vitesse et s’inquiète de la trop grande lenteur des fils du continent à l’arracher à sa nasse onirique.

Le grand centre de recherche inter africain sur les pandémies du siècle n’a toujours pas déballé ses tubes à essai et sondes. Les blouses de ses chercheurs, accrochées, depuis des lustres, aux pieux de voeux en éternelles chrysalides, virent à l’ocre. Il faut dépoussiérer le vieux rêve des patriotes africains. Félix Moumié, Ruben Nyobé, Biaka Boda, Ouézzin Coulibaly n’imaginaient pas, en mourant, un continent aussi pauvre que celui de 2007.

Oui, l’Onu et l’UNESCO existent bien, portant en bandoulière leur bonne dose de philanthropie. Mais personne ne viendra résoudre pour notre continent les équations de son quotidien, personne ne viendra dessiner, à sa place, son futur. C’est dans la solidarité, dans l’élan communautaire, la conscience patrimoniale aiguisée que l’Afrique pourra relever les défis actuels.

En 2001, certains pays africains avaient développé le concept de « Nouveau partenariat pour le développement africain ». Ce partenariat avait-on dit, était né de la fusion du plan « Omega » du Président sénégalais Abdoulaye Wade et du « Programme de renaissance de l'Afrique pour le millénaire » de son homologue Thabo Mbeki, en collaboration avec ses pairs algérien et nigérian. Bien d’espoirs avaient été suscités par ce projet. Puis la grande chape de silence c’était abattue.
Quelques temps plus tard, il était question de Nepad. Un silence plus lourd avait surgit.
Excellences Lectrices, Excellences Lecteurs, ce continent nôtre a envers son passé son passé et son avenir un devoir : développer par lui-même les stratégies de sa renaissance. Toute la glose raciste dont l’abreuve certains « spécialistes » de l’Afrique, surreprésentées dans les instances internationales, ne sera éradiquée que par une prise en main vigoureuse de l’Afrique par ses fils. Un tel devoir attend chaque africain, quelles que soient sa nationalité et sa condition sociale. Devoir historique, exigence actuelle, obligation envers l’avenir.

2 commentaires:

le trou noir a dit…

Que pensez vous du projet de Khadafi?

Anonyme a dit…

Ce projet me pose un "petit" problème: Kadhafi n'est pas, selon moi, l'icône la plus rassurante d'une Afrique en quête d'unité. Je ne suis pas certain qu'il ne traine pas derrière lui une forte odeur de déstabilisation de nombreux pays africains. Et puis ces questions d'expulsion d'étrangers récurrentes en Lybie, non plus, ne me rassurent.

L'Afrique a besoin d'unité, mais je pense qu'elle doit se trouver des méthodes et des icônes plus cohérentes. Je pense que le projet kadhafien ne s'appuie pas sur le consensus. Je subodore une certaine soif d'hégémonie.