Armés de chansons, ces civils ivoiriens ne se doutaient pas du tout
de ce qui se tramait dans l'esprit des deux messieurs juste derrière la haie .
Faut-il, pourtant, aujourd'hui en concevoir de la haine ?
Tous les français sont-ils comptables de ce qui s'est déroulé en Côte-d'Ivoire ?
En ont-ils même vraiment été informés ?
Ont peut en douter !
L'article* que nous retranscrivons plus bas, est l'un de ces chefs-d'oeuvre d'intoxication par lesquels l'on a abruti l'opinion occidentale, pour lui cacher la face réelle des événements. Souvenons-nous des nôtres. Sans haine, ni rancoeur.
6, 7, 8, 9, novembre 2004, les 4 "nuits de cristal" de l’armée française en Côte-d’Ivoire
Le mois de novembre 2004 restera gravé dans la mémoire des patriotes ivoiriens. Près de 70 civils ivoiriens fusillés, ces jours là, par l’armée française conduite, en Côte-d’Ivoire, par les généraux Poncet et Destremau.
(Chef-d'oeuvre d'intox,ndlr)*
Samedi 06 Novembre 2004, Laurent Gbagbo, le président de la Côte d'Ivoire, décidait de lancer une attaque surprise sur la ville de Bouaké contre les troupes françaises mandatées par l'ONU dans le cadre de l'Opération Licorne visant à prevenir une guerre civile.
En début d'après midi, deux chasseurs Sukhoï de l'armée ivoirienne lançaient sur le camp des militaires français des bombes de 250 Kilos, tuant un missionnaire américain, 9 soldats et en blessant 22 autres. Cette attaque surprise était la plus meutrière subie par les troupes françaises depuis la guerre du Liban, en 1983.
Dans les minutes qui suivirent, Jacques Chirac ordonnait la destruction de la quasi totalité des moyens aériens de l'armée ivoirienne ; Deux Sukhoï 25 et cinq hélicoptères d'attaque au sol MI25 étaient mis hord d'état de nuir. L'incident allait marquer le début de trois jours d'émeutes anti-françaises et de chasses aux Blancs dans les rues d'Abidjan et de Yamoussoukro.
A peine la destruction de l'armement ivoirien était-elle connue que les jeunes patriotes, des milices informelles au service de Gbagbo, allaient provoquer des émeutes à travers le pays.
A Man, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, des manifestant pro-Gbagbo assiégaient un cantonnement de gendarmes français et l'attaquaient à coups de Cocktails molotov tandis que les soldats français tiraient des grenades lacrymogènes pour disperser les émeutiers. La ville de San Pedro, toujours dans l'Ouest du pays, était le théatre de plusieurs scènes de violence.
A Abidjan, des combats éclataient autour de l'aéroport internationale lorsque l'armée ivoirienne, l'ayant fait fermer, tentait d'en prendre le contrôle, ce qui aurait pu lui permettre de bloquer l'arrivée de renforts français. Tandis que l'armée française tâchait de sécuriser le lieux, une quinzaine de civils français, menacés par une foule de plus en plus hostile appelait à l'aide les forces de l'opération Licorne, qui devait parvenir à les secourir une heure plus tard.
La situation, dès lors, ne devait plus cesser de se dégrader car si, à l'aéroport d'Abidjan, militaires français et ivoiriens parvenaient à un cessez le feu, la stratégie de Laurent Gbagbo consistait essentiellement à prendre en hôtages les ressortissants occidentaux, utilisant pour ce faire les Jeunes Patriotes controlés par Charles Blé Goudé.
Ceux ci commençaient à attaquer à tout les symboles de la présence française en ville. Tandis que la résidence des gendarmes français était mise à sac, Les écoles françaises étaient incendiées. La directrice du lycée Jean Mermoz, assiégée par une bande de deux cents personnes venus pour la lyncher, n'allait avoir la vie sauve que grâce à l'intervention in extremis de l'armée française, qui allait lui faire quitter les lieux par hélicoptère.
Après ces symboles,ce sont les résidences des français, et de façon générale des Blancs, qui allaient être la cible de la haine raciste des partisans de Laurent Gbagbo. Dans le quartier de Bietry, des Français étaient contraint de se réfugier sur le toît de leur immeuble tandis qu'on pillait et incendiait leur appartement. Là encore, c'est par hélicoptère qu'ils allaient être évacués. Lorsque le soir arrivait, on comptait une quarantaine de pillages à travers la ville.
Soumis aux pressions des autorités française, Laurent Gbagbo et son entourage allaient avoir recours à la méthode déjà utilisée
en 2000 au Zimbabwe par Robert Mugabe au début du nettoyage ethnique mené contre la population blanche par le ZANU-PF.
Le président du Zimbabwe, tout en pronant une légalité de façade, s'était appuyé sur les vétérans de guerres, sur lequels il prétendait n'avoir aucun contrôle, pour semer la terreur dans les campagnes. Reprenant cette stratégie du double jeu, d'un côté Laurent Gbagbo et les représentants de son gouvernement appelaient au calme. De l'autre, l'entourage de Gbagbo ne cessait de pousser la population aux violences anti-française et anti-blanche.
Désiré Tagro, le porte-parole de la présidence ivoirienne apparaissait à la télévision appelant à ce que "chaque ivoirien, chaque ivoirienne, bien qu'en colère au vu de se qui s'est passé, garde son calme et que personne ne s'attaque aux biens des étrangers, aux sociétés étrangères et en particuliers aux biens français et aux sociétés françaises."
Toutefois parallèlement, les meneurs d'organisations proches du pouvoir ivoirien, passant eux aussi à la télévision, tenant une réthorique enflammée tandis que les médias attisaient systématiquement la haine des Ivoiriens envers les Français.
Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes Patriotes, à la télévision, appelait à descendre dans la rue. " Une question se pose à nous maintenant" déclarait-il "mourir dans la honte ou mourir dans la dignité."
Pascal Affi N'Guessan, le président du FPI, le parti de Gbagbo, demandait "aux patriotes dès cet instant de descendre massivement et d'occuper la, rue à Abidjan et toutes les villes du pays et d'empêcher par tous moyens la libre circulation de toutes forces étrangères jusqu'à la victoire finale, c'est à dire la réunification de notre pays."
Mamadou Coulibali, le président de l'assemblée nationale ivoirienne, menaçait de façon à peine voilée les ressortissants français, mettant en garde contre la possibilité d' "actes hyper-barbares" et promettant que la côte d'ivoire serait pour la France "pire que le Viet-Nam"
Dés cet instant des dizaines de milliers de manifestants surexcités allaient se rassembler dans les rues tandis que la population blanche de Côte d'Ivoire vivait sa première nuit de terreur. Ici et là,
les français aller se regrouper et s'armer pour se protéger pendant que toute la nuit, les casseurs ivoiriens pillaient les maisons des mebres de la communauté française.
"C'est une foule trés hostile, ils chantent des slogans, des insultes, des choses comme "Tous les Blancs dehors", "A chacun son Blanc"Philippe Moreux, porte parole des Nations Unis (Source:
Fox News)
Le Dimanche 07 Novembre 2004 au Matin, l'évacuation et des mesures de protection des ressortissants occidentaux étaient mises en place par l'armée française. En début de matinée, le colonel Henri Aussavy, porte parole de l'opération Licorne, signalait que l'armée avait déjà récupéré 80 personnes pour les mettre à l'abri dans les cantonnements du 43ème Bima. A midi ce chiffre était passé à 150. En fin de journée ce sont plus de 1200 personnes de toutes nationalités occidentales qui venaient se mettre à l'abri de la haine raciale des émeutiers pro-Gbagbo tandis que l'ONU ouvrait également des lieux d'accueil, notamment à l'hotel Ivoire, d'où une douzaine de personnes allaient être évacuées par hélicoptère.
Plusieurs ambassades de pays occidentaux diffusaient des mises en garde en direction de leur ressortissants, les invitant à rester chez eux ou à éviter de se rendre en Côte d'Ivoire.
Tandis que 400 militaires français arrivaient en renfort à l'aéroport international d'Abidjan, et que l'armée française commençait à reprendre le contrôle de la ville et de ses points stratégiques, des dizaines de milliers de manifestants convergeaient de toutes parts.
Armés de barre de fers, de gourdins, de hâches et de machetes, ils érigeaient ici et là des barricades de pneux enflammés et s'avançaient de façon menaçante en direction de l'Aéroport international d'Abidjan, contraignant l'armée française à utiliser un hélicoptère de combat pour faire des tirs de sommation dans leur direction.
"Le gouvernement pousse à tuer les Blancs. - pas juste les Français, tous les Blancs"Marie Noël Mion, une rescapée des chasses aux Blancs (Source:
FoxNews)
Ne pouvant aller plus loin, les émeutiers allaient rebrousser chemin pour se diriger vers les quartiers résidentiels de Bietry et de Cocody aux cris de "à chacun son blanc", "il vaut mieux tuer un blanc que le voler".
Dès lors, c'est un scénario sordide qui se reproduisait à plusieurs reprises. Les Emeutiers, tels des colporteurs de haine, faisaient du porte à porte, exigeant de savoir si chaque résidence étaient habitée par des Blancs.
Lorsque cela s'avèrait être le cas, l'habitation était saccagée et pillée tandis que ses habitants, s'ils avaient le malheur de se trouver là, étaient pris à partis. Les Blancs sur lesquels les racistes ivoiriens mettaient la main étaient frappés, battus et brutalisées; plusieurs dizaines de femmes blanches impitoyablement violées par les jeunes patriotes.
De nombreuses agressions seront d'ailleurs confirmées par la suite par Catherine Rechennmann, la présidente de l'Union des Français de l'étranger en Côte d'Ivoire et par Hervé Ladsous, le porte parole du ministère des affaires étrangères.
Pour la seconde nuit consécutive, des milliers de Blancs allaient vivre une nuit de terreur et d'angoisse tandis que les rues de la capitale ivoirienne résonnaient d'appels à tuer des Blancs, de détonations et du vrombissement affairé d'hélicoptères militaires (!?ndlr). Entreprises, magasins, écoles, logements allaient être à nouveau brûlés et saccagés.
Hors d'Abidjan, la situation était également trés tendue.
A San Pedro, des foules de Noirs mettaient à sac les magasins et les entrepôts français. Certains Blancs étaient contraints de se réfugier dans le bush, aux abords de la ville, pour échapper au déchainement de violences albophobes.
A Daloa, l'école française était incendiée et la ville était le théatre de pillages et de manifestations.
On signalait aussi des violences à Yamoussoucro ainsi que dans les stations balnéaires d'Assynie et de Bassam.
"la première responsabilité du président de Côte d'Ivoire doit être de rétablir le calme, de faire cesser ces déclarations racistes et xénophobes d'un certain nombre de personnes qui sont autour de lui, de faire cesser les manipulations et les appels à la chasse anti-Blancs"Michèle Alliot Marie, Ministre de la défense (source:
Nouvel Obs)
Le Lundi 8 Novembre 2004 au matin, un calme relatif était revenu sur la capitale de la Côte d'ivoire grâce à la présence massive de l'armée française.
Dans le quartier de Cocody, une cinquantaine de blindés étaient déployés autour de l'Hôtel Ivoire afin d'en faire un centre de regroupement pour les français dont un grand nombre s'était déjà réfugié là.
Poursuivant sa politique de prise en otage des populations blanches, Le pouvoir ivoirien cherchait à nouveau à exacerber les tensions dans la capitale.
Vers midi, un porte parole présidentiel se mit à faire courir à la radio le bruit que l'armée française avait convergé vers la résidence du président Gbagbo où elle s'apprétait à le renverser.
La radio appelait donc les "patriotes" à converger vers l'hôtel ivoire pour y livrer la "bataille finale" et y former un bouclier humain pour la protection de Gbagbo. Il s'agissait en fait d'une habile manipulation car le mouvement des troupes françaises dans le quartier du président Gbagbo avait en effet pour but de protéger l'ambassadeur de France, dont la résidence avait un mur mitoyen avec celle du président de la Côte d'Ivoire. Ces résidences étaient, en fait, distantes d'un kilomêtre de l'hôtel Ivoire.
Cette annonce eu un effet immédiat et bientôt, les forces française étaient confrontées à une foule d'une centaine de milliers de personnes hurlantes et vociférantes. Les soldats français étaient alors contraints de procéder à des tirs de sommation, puis à balles réelles, pour obliger une foule de plus en plus agressive à reculer. A la mi-journée, les abords de l'hôtel ivoire étaient à nouveau calmes.
Si, le 06 Novembre, Catherine Alliot-Marie, la ministre de la défense française avait déclaré que la France n'envisageait pas de rapatrier ses ressortissants, les violences racistes allaient amener la France à infléchir sa position, de nombreux expatrié ayant décidé, en dépit d'appel à rester du président Gbagbo, de quitter définitivement le pays, ou du moins à rapatrier leurs femmes et leurs enfants pour les mettre à l'abri.
3 avions de 250 places chacuns étaient affectés à l'évacuation des français tandis que d'autres pays mettaient eux aussi en place des mesures d'évacuations de leurs ressortissants. Entre le 10 et le 17 Novembre, le Ministère des affaires étrangères allait organiser 14 vols pour évacuer ceux qui le souhaitaient.
"Au total" signalait le ministère dans un communiqué de presse du 19 septembre 2004, "ce sont donc 5434 Français, dont 1560 enfants qui ont été rapatriés par les 14 vols qu'avait affrétés le ministère des Affaires étrangères. Il y a eu, également, 2 898 Français qui ont été rapatriés par d'autres moyens aériens, soit des vols privés affrétés notamment par des entreprises dont ils étaient les employés, soit des vols militaires organisés par nos partenaires européens. Donc, si on totalise, le nombre total de Français qui ont quitté la Côte d'Ivoire entre le 10 et le 18 novembre s'établit à 8 332."
"Cette nuit, j'ai rêvé. Abidjan en état de siège. Les camions militaires, les coups de feu, la peur.... Nos dernières heures en côte d'Ivoire ont été terribles. Nous avons passé la nuit avec les voisins, qui étaient venus se réfugier chez nous parce que leur maison était en train de se faire piller. Les femmes et les enfants étaient en haut, et les papas en bas, montant la garde. Dehors, les "patriotes" criaient: "Où sont les Blancs? Où sont les Blancs?"Denis, un rapatrié de Côte d'Ivoire (Source:
la croix )
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Par souci d'hygiène ou pourrait plutôt lire cet autre regard...
Porté par deux journalistes de Canal + Horizon, Paul Moreira et Stéphane Haumant...
sur le même événement :
"On a étouffé un massacre. Et quand je dis “on”, je veux parler des journaux de gauche, comme Libération, qui a repris la version officielle de l’armée française. Le Monde aussi."
Le 4 Novembre 2004, sur ordre du président Laurent Gbagbo, l’armée ivoirienne entame l’opération César - qui sera connue par la suite sous le nom d’opération Dignité. L’objectif est, sinon la reprise totale de la zone nord, du moins une mise sous pression militaire pour ramener les rebelles à la table des négociations.
Dès que Stéphane Haumant apprend que les attaques ont commencé, il décide de repartir à Abidjan. Mais cette fois-ci, il ne s’agira plus d’un repérage: il part avec toute son équipe (composée de trois personnes: lui-même, Jérôme Pin et Laurent Cassoulet) pour tourner son sujet sur les conditions de vie des Français de Côte d’Ivoire. Du moins le croit-il.
Dès le 5 novembre, leur avion attérit à l’aéroport d’Abidjan - qui n’est pas encore fermé ce jour-là. Le 6, c’est le fameux bombardement du camp militaire français de Bouaké dans des conditions encore mystérieuses aujourd’hui.
La réponse du pouvoir politique français sera déterminante: sur ordre de Jacques Chirac, l’aviation ivoirienne est détruite par les forces françaises. Quelques heures plus tard, lorsque Charles Blé Goudé va à la RTI pour appeler les Ivoiriens à descendre sur le BIMA pour protester, Stéphane et son équipe sont à l’hotel. Ils n’en sortiront plus ce soir-là: ils sont au coeur du scoop.
STEPHANE HAUMANT (CANAL +) PARLE:
Le 6, en milieu de journée, l’aéroport est fermé et on se retrouve un peu par hasard à notre hotel, le Novotel du Plateau. Et on commence à tourner notre film avec les premières informations: Blé Goudé qui appelle les Patriotes à descendre dans la rue, et puis l’enchainement…
On filmait les Jeunes Patriotes qui affluaient vers les ponts de notre chambre d’hotel. On avait choisi le Novotel parce que je savais que c’était un bon point d’observation puisque j’étais là cinq ans auparavant et qu’il s’était passé exactement la même chose (en octobre 2000).
Sauf que cette fois, Blé Goudé a appelé les Patriotes à marcher sur le BIMA. Ils affluent donc en début de soirée sur les ponts pour atteindre le BIMA. Et puis vers 22h, ça commence à exploser dans le ciel, donc on ne comprend pas du tout ce qui se passe.
On file sur le toit de l’hotel et peu à peu, on comprend qu’il y a des rotations d’hélicoptères qu’on dévine français qui tirent sur les ponts pour empêcher les manifestants de passer. Puisque c’est un flot de quelques dizaines de milliers de personnes au moins, si ce n’est peut-être de centaines de milliers; c’est difficile à évaluer, mais c’est beaucoup beaucoup de monde.”
Message de Blé Goudé à la télévision
“Evidemment, quand Blé Goudé passe à la télévision, il ne dit pas: “nous avons bombardé Bouaké, nous avons tué neuf Français”. Il dit simplement à peu près ceci: “L’armée ivoirienne vient d’être rasée par l’armée française: ça suffit, il est temps de mettre dehors cette armée d’occupation; je vous demande d’aller déloger les militaires du 43ème BIMA.”
Les Jeunes Patriotes sont les premiers dans la rue, mais il y a des dizaines de milliers d’Ivoiriens qui ne sont pas Jeunes Patriotes, mais qui sont juste hallucinés d’apprendre qu’en quelques minutes leur aviation a été rasée par la France. Ils ne comprennent pas du tout pourquoi.
Donc par colère, par nationalisme, ou par patriotisme - je ne sais pas - ils descendent dans la rue et du coup ça fait une énorme masse, bien plus nombreuse sans doute que les quelques milliers de militants encartés comme Jeunes Patriotes.”
Moment médiatique, moment historique
“Je crois savoir qu’on est les seuls sur place. Donc ça, professionnellement, c’est intéressant. Je sais que tous les aéroports sont fermés, mais je ne sais pas s’il n’y a pas quelques journalistes déjà sur place comme nous, ou d’autres qui ont pu prendre les derniers vols ou qui sont arrivés par la route. Donc je me dis qu’on doit être à peu près les seuls, qu’en tout cas il ne doit pas y avoir beaucoup d’équipes.
Je ne sais pas si ce sera un scoop parce que je ne pense pas que les Français soient spécialement intéressés par ce qui se passe en Côte d’Ivoire, mais professionellement c’est intéressant, surtout si on est les seuls. Et par rapport à l’histoire de la Côte d’Ivoire, je me doute bien qu’on est en train de vivre quelque chose de très important, même si je ne sais pas comment ça va tourner parce qu’il y a neuf morts français et que je sais bien qu’il y a très longtemps que ce n’est pas arrivé et que c’est forcément très grave.
La France ne va pas laisser passer ça, d’autant qu’elle en veut beaucoup à Gbagbo, et donc je me demande si on ne va pas vers un coup d’Etat. Mais si coup d’Etat il y a, peut-être que le Nord va en profiter pour marcher sur le Sud, ce qui peut entraîner une guerre civile. Le contexte fait qu’il peut se passer beaucoup de choses qui peuvent être decisives pour la Côte d’Ivoire.
En tous cas, même si ça ne va pas aussi loin, voir une foule nombreuse marcher sur une armée, même bien équipée, c’est impressionnant. Et c’est compliqué de contrôler des centaines de milliers de gens. Au moins, nous sommes bien placés pour filmer des choses passionnantes.”
La tension monte
“Dès le 6 dans l’après-midi, dès que j’apprends ce qui s’est passé à Bouaké, j’appelle mon contact français avec qui je dois tourner. Il est dans sa voiture. Il doit être 15 ou 16h. Il me dit au téléphone: “Ecoute, on oublie le tournage. Je ne peux pas venir te voir. Ce qui se passe est très grave. Je rentre tout de suite chez moi. Et puis là, je vois un attroupement en face de moi. Je te laisse.” Et il coupe. Bon, je le connais. C’est un mec plein de sang froid. Je sens à son ton paniqué que ce qui se passe est grave, parce qu’il est plus sensible que moi à ce qui est en train de se passer.
Je le rappelle le soir même. Il est à son domicile. Il me parle assez brièvement. Ils ont tout éteint. Il me dit: “C’est chaud; je ne sais pas ce qui va se passer.” Et pendant qu’il me parle, j’entends des rafales de Kalashnikov en fond. Bon, on ne leur tire pas dessus, mais je sens bien que ça chauffe dans la ville.
Ensuite, quand je vois ces centaines de milliers de gens qui deferlent sur les ponts - même si Blé Goudé a dit: “On met l’armée française dehors” - je comprends tout de suite que ça va chauffer pour les Français. Parce qu’un Blanc, militaire ou non, reste un Blanc. Et la colère, et l’alcool, et la nuit, et la fatigue aidant, ça va forcément dégénérer.
Donc, dès le début, nous savons que ça va être chaud pour les Blancs. Moi, à la seconde où on m’a dit que l’armée française a rasé l’aviation ivoirienne, à cette seconde-là, j’ai compris avec toute mon équipe que c’était parti. Donc on a mis quelques affaires dans un sac, on a sorti les caméras, mis tout dans le coffre, et on s’est dit “Maintentant, on va voir ce qui se passe, on tourne”. Mais on savait que c’était parti pour une escalade inévitable.”
Tournage à haut risque
“Toute la nuit du 6 ça bombarde. Le 7 au matin, j’appelle les Jeunes Patriotes en leur disant: “Je vais voir ce qui se passe en ville”. Ils me disent: “Pas question, tu bouges pas; c’est trop dangereux.” J’appelle mon contact français qui me dit: “J’ai le numéro d’un commissaire de police. Il va venir vous chercher avec des hommes. Mais tout ce qu’ils peuvent faire, c’est t’amener aux militaires français les plus proches parce qu’on ne peut pas circuler.”
Donc, le 7 au matin, un flic ivoirien vient me prendre en voiture. On traverse les rues vides en prenant tous les sens interdits et il nous amène à peu près un kilomètre de là, au pied du pont. Là, on se retrouve avec les militaires français, donc en totale sécurité.
On filme la journée des militaires français, des contrôles de passeport sur les ponts, quelques exflitrations, etc. On passe donc plus ou moins la journée avec les militaires. Le 8 au soir, on va au BIMA, on filme les refugiés français qui arrivent au camp.
Dans la nuit, on passe la nuit chez notre contact français. Et le 9 au matin, il nous dit: “Bon, je pense que ca s’est calmé, on peut sortir.” On prend donc son 4X4, sans aucune arme ni escorte. Et je savais que ça chauffait un peu côté Hotel Ivoire, donc on part vers l’Hotel Ivoire. Donc, c’est seulement le 9 au matin qu’on a pu sortir sans protection armée.”
La partialité des médias nationaux
“On a deux sources principales d’information officielle. Du côté de la télévision française (i-Télé et LCI), ce qu’on entend, c’est: “Déchainement de violence contre les Français. Les Ivoiriens ont tué neuf soldats, et maintenant ils s’attaquent à nos Français.” C’est tout. Côté ivoirien (la RTI), c’est: “La France nous attaque. Elle a rasé notre aviation. L’armée française est dans la ville. Ils veulent la fin de Laurent Gbagbo.” Voilà. Il y a donc deux versions totalement différentes.
Moi j’ai les deux versions, ce qui me permet de reconstituer la réalité. Par ailleurs, je suis en contact permanent, à peu près dix fois par jour, et avec l’armée française (qui me donnent certaines informations), et avec les proches de Blé Goudé (qui m’en donnent d’autres), et avec plusieurs entrepreneurs français sur place (qui m’en donnent encore d’autres). Donc avec tout ça, à chaque moment, je sais à peu près qui a peur, qui attaque, qui se défend, ce qui est vrai, ce qui ressemble un peu à de l’intox ou ce qui est parcellaire. Et en gros, chacun a une petite part de vérité; et il y a énormément de rumeurs qui circulent.”
Rumeurs invérifiées et légendes urbaines
“Par exemple, un Français m’appelle à un moment et me dit qu’il y a dix cadavres de Français sans tête qui ont été retrouvés dans la lagune. Donc je commence par passer des coups de fil peu partout pendant quarante-huit heures. A Licorne, on me dit: “Non, ce n’est pas vrai.” Je me dit: “Ils me mentent. Ils savent des choses.” Je vais sur place. Je trouve un entrepreneur français de pompes funèbres, qui me dit face à la caméra, les yeux dans les yeux: “J’ai vu les dix cadavres; il y a dix cadavres de Blancs sans tête.”
Là je me dit “waow”. Comme je fais des petites interventions sur RMC Info et sur i-Télé, je suis à deux doigts d’annonçer l’info. Mais je me dit que je n’ai pas vu les cadavres, donc je ne dis rien. Je continue de vérifier l’info. Je vais au BIMA. J’exige des explications. Je dis au porte-parole: “Vous n’avez pas le droit de nous cacher ça. Dix Blancs décapités, vous ne vous rendez pas compte, etc.”
Ils me donnent leur parole d’officiers que ce n’est pas vrai. Pourtant j’ai enregistré le mec qui me l’a dit face caméra. Au final, pour ce que j’en sais, ce n’est qu’une rumeur. Mais il y a encore aujourd’hui des Blancs qui me demandent: “Pourquoi vous n’avez jamais parlé des dix corps de Français décapités?”
Après les évènements, j’ai cherché à savoir. Je leur ai dit de me donner les noms de famille. Ce n’est quand même pas si compliqué. Je n’ai jamais eu les noms. Mais sur le moment, dans l’ébullition, j’étais près à le croire.”
PAUL MOREIRA (CANAL +) ACCUSE
Crimes de guerres
“L’armée française a commis en Côte d’Ivoire ce que la Convention de Genève appelle un crime de guerre. C’est-à-dire qu’elle a tiré sur des manifestations de civils désarmés avec des armes léthales.
Il y a eu un déséquilibre monstrueux dans le rapport entre le niveau de danger auquel était soumis les militaires et les moyens employés. Et nous l’avons prouvé par l’image. On a pu filmer les incidents sur les ponts, quand on voit clairement des manifestations de civils qui sont prises pour cibles par des hélicoptères de combat. Puis on a mis en lumière qu’une manifestation quelques jours plus tard devant l’Hotel Ivoire a été dispersée à l’arme de guerre.”
Mensonge d’Etat
“C’est un mensonge d’Etat parce que dans un premier temps, ce qui est dit dès le lendemain, c’est que jamais l’armée française n’a tiré dans la foule. Les seuls tirs reconnus sont des tirs de sommation.
Cela prendra en gros vingt jours pour que cette version évolue, lentement, par à-coups, jusqu’à ce que la ministre Michelle Alliot-Marie reconnaisse la veille ou l’avant-veille de la diffusion de notre enquête qu’il peut arriver que dans des situations de légitime défense ”élargie” - c’est un concept qu’on a forgé pour l’occasion - l’armée française fasse un usage total de ses armes;
notamment sur les ponts et à l’Hotel Ivoire. Or entre ces deux déclarations, c’est la nuit et le jour, puisque dans un cas on vous dit: “Non, on n’a jamais fait usage de nos armes - juste des tirs de sommation.” Et dans l’autre, on vous dit: “Oui, dans certains cas, nous avons été obligés de faire usage de nos armes.”
Entre temps, il a été dit qu’il s’agissait d’échanges de feu entre des manifestants armés et des gendarmes ivoiriens venus s’interposer entre les manifestants et l’armée française. Puis, on a dit que c’était l’armée française qui a été obligée de tirer pour sauver la vie de gendarmes ivoiriens.
Puis que c’était les gendarmes ivoiriens qui s’étaient retournés contre l’armée française. Enfin, on a dit que c’était des types qui étaient montés sur des chars détenus par des troupes d’élite et qui avaient armé une mitrailleuse française. J’oubliais aussi la version disant que c’étaient des snipers israéliens travaillant pour le pouvoir ivoirien qui avaient tiré dans la foule pour tuer quelques personnes et surexciter les manifestants.”
Comment “on” étouffe un massacre
“Moi, je rapproche cette histoire de ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 à Paris, pendant la guerre d’Algérie. Ce jour-là, le prefet de police Maurice Papon avait donné l’ordre à la police française d’être d’une extrême fermeté avec des manifestations d’algériens, des civils désarmés.
Et il y avait eu au moins une centaine de morts, d’algériens tués, certains jetés à la Seine en plein Paris, parfois tués quasiment dans les halls des grands journaux parisiens. Et personne n’en a parlé. Il a fallu attendre en gros trente ans pour que la vérité soit faite.
Je me suis toujours intéressé aux questions d’immigration et aux aspects violents de l’après-colonialisme français; et je me suis toujours dit qu’on avait étouffé un massacre, mais que c’était une époque particulière: 1961, pas de caméras, pas d’images, la presse était beaucoup plus tenue, etc. Et là où cette histoire ivoirienne m’a surpris, c’est qu’elle a lieu en plein époque de l’image, que les images circulaient, qu’elles étaient criantes d’évidence, et que malgré tout, on a étouffé ce qui s’est passé à Abidjan en novembre 2004.”
Les médias complices d’un crime de guerre
“On a étouffé un massacre. Et quand je dis “on”, je veux parler des journaux de gauche, comme Libération, qui a repris la version officielle de l’armée française. Le Monde aussi. Seuls le Canard Enchaîné, i-Télévision et Canal+, et peut-être Marianne, sont allés au-delà de ce que l’armée française a fourni en termes de communication.
C’est un énorme embarras pour je pense l’ensemble de notre profession, et c’est pour ça que mon livre est un petit peu boycotté par un certain nombre de grands médias, notamment ceux que je viens de vous citer. Parce qu’au fond, en tant que journalistes, on s’est rendu complices d’un crime de guerre. Alors que personne ne nie ce que nous avons montré. Même la ministre, assez honnêtement d’ailleurs, a reconnu finalement les faits.
Malgré cela, pas de réaction: on peut tuer autant de personnes. Imaginez ça boulevard de la Madeleine, sur des viticulteurs. On en parlerait encore. Ce serait un scandale. J’en ai discuté plus tard avec des militaires que je connais, parce qu’il y a des gens formidables dans l’armée française - je tiens à dire -, et qui m’ont dit: “Je ne sais pas comment les tireurs d’élite se sont regardés dans la glace le lendemain, parce qu’ils n’étaient pas obligés de tirer. Parce qu’on ne tire pas sur les manifestants.”
En France, on a eu Mai 68 qui étaient des émeutes d’une violence extraordinaire, c’est pas le dizième de ce qui est arrivé devant l’Hotel Ivoire.”
Une nouvelle forme de censure
“C’est le deni qui est extraordinaire. Il y avait une cellule au ministère de la defense, que j’appelle une “cellule d’infirmation”, parce qu’ils infirmaient tout ce que nous affirmions. J’ai eu affaire à eux. Tous les arguments étaient bons. Il ne s’agissait pas de nous censurer, évidemment, puisqu’aujourd’hui la censure n’est plus opérante. Il faut convaincre, séduire, détordre. Mais enfin dans ce cas précis, c’est quand même hallucinant, parce que les images existaient. On n’est pas sur quelque chose de tengeant. Et donc, ils disaient aux journalistes: “Non, mais, on ne les voit pas, mais il y a des types armés [parmi les manifestants].”“