jeudi 17 mai 2007

Fakaloh


Fakaloh est connu pour être le fiancé d’une femme en pleurs. Elle était venue là, à l’Hôtel de Ville, pour sceller, dans la roche de la légalité, son amour. Se marier était son désir, mais contredire les « On dit », aurait été son plaisir. Ne disait-on pas – à Ondikro – que Fakaloh, son chou, était le roi de la dérobade ? Elle aurait l’occasion de démentir, une fois pour toutes, la rumeur.
Mais à voir la façon dont la mariée pleura le jour des noces, tous avaient compris que son déserteur de Fakaloh avait encore frappé. Torrent de larmes, océan d’amertume, regrets et consternation aux abords du parquet nuptial. Eh Fakaloh !


Comme il fallait s’y attendre, la rumeur enfla. Certains jurèrent que Fakaloh avait des ennuis de santé. Dautres, radicaux, affirmèrent l’avoir aperçu à la gare routière, avec 18 valises. D’autres encore prétendirent l’avoir vu repartir au village vaquer à l’extraction du vin de palme. Toujours est-il que la mariée fut abandonnée, n’ayant plus, pour tout trésor, que ses yeux en larmes et pour tout refrain que « Fakaloh oh, c’est ça que tu veux ? ».


La bonne dame, à notre avis, a dû être blessée dans son sens de la légalité. Elle aspirait au mariage, mais Fakaloh, allergique à tout ce qui est élu, n’a pu supporter l’idée même du voisinage avec le Maire. Il est possible aussi que le ceinturon du Maire, barré de couleurs chères à Eugène Djué, l’ait rebuté. Fakaloh serait-il d’une autre commune que la nôtre, comme certains l’ont avancé ?


Sous-produit de forces exogènes, Fakaloh fait front pour mieux être sans visage. Consortium sans vrai épicentre, il s’éclipse naturellement, pour laisser la marge à ses petits pompiers. Qu’ils braisent autobus ou commissariats, rossent de coups gendarmes ou douaniers, giflent forces municipales ou forestières, nous devrons, prescription médicale, nous taire. Nous seuls avons le devoir d’être mesurés, l’attitude républicaine demeurant un exercice facultatif pour la Fakaloh and Co.


Excellences Lectrices, Excellences Lecteurs, pourquoi la mariée pleure-t-elle ? Elle n’a pas la tête d’une pleureuse, mais elle n’en pleure pas moins. En faisant le choix d’un retranchement à relents tribalistes, l’on montre bien que la rébellion n’est pas une question de tête, mais plutôt une question de fond. Ainsi, « Ai-je la tête d’un tueur » n’est pas la bonne question, mais « suis-je un allié objectif de la rébellion? », that s the(good) question ! La femme a alors raison de demander à Fakaloh « C’est ça que tu veux » ? Une République de tranchées ? Une territorialité en tranches et retranchements pour que rigolent « les mauvaises langues » ?


La course au retranchement brise, pourtant, la légitimité de la fonction. Si le consensus est le critère au nom duquel l’on nous a imposé l’élu sans urne de la 1721, sait-on en revanche que sa « légitimité », se brise de fait, sur les rails de l’autisme rural? Dans le retrait villageois, « l’élu » met fin, pour la seconde fois, à son « mandat », en montrant qu’il est loin d’être le bon vecteur du consensus. Abidjan n’est pas la Côte-d’Ivoire, Morofê, voilà sans doute la République. N’en rions surtout pas.


Mais Fakaloh, c’est aussi cette opposition se riant encore et toujours d’un Père, 13 ans après sa disparition. De Yamoussoukro livrée aux mouches, l’œil du défunt a eu droit aux récurrentes dionysies de Prepressou. Il y avait pourtant comme un rendez-vous tacite, un contrat entre le père et ses héritiers. A la mémoire du père la Fakaloh and Co n’a rien servi de mieux que misère, galère, violeurs de femmes à terme et buveurs de sang. «Du courage ! Du courage ! », peut-on alors nous dire, puisqu’on sait mieux que quiconque la profondeur du mal à nous fait.


Excellences Lectrices, Excellences Lecteurs, les rendez-vous manqués, mettent de la peine au cœur. Sans dresser une auréole précipitée à Kagamé Paul, bornons-nous à faire remarquer que l’homme à honoré le rendez-vous pris avec la dignité des siens. Pendant que des lettres de créances sont reçues, certains continuent de traiter les autres comme leurs valets. Devant une telle injustice, la mariée rwandaise, pense avoir mieux eu à faire que produire des larmes et des chansons.


Elle ne cherche pas à savoir ce que veut Fakaloh, puisqu’elle le sait déjà. Fakaloh est ce type qui veut lui faire bien plus que des coucous, sans se mettre la corde au cou ! Il veut de l’intimité sans passer par l’unité. Le mariage c’est trop long : manucure, pédicure, essayages, habillages, confettis, séances de photos où l’on vous impose quelquefois de soulever de terre une solide mère de famille, tout ceci fatigue Fakaloh. Il n’aime pas ça. Pourtant, il veut femme. « On est où là ? » disent dans ces cas, les femmes d’ici. Fakaloh doit se rendre à l’évidence. Plus personne ne doit se laisser flouer.


Excellences Lectrices, Excellences Lecteurs, « Est révolue l’heure de la génuflexion » comme le dit si bien l’auteur de l’Elytre incendiaire. Nous n'aurons désormais pour partenaires que ceux qui auront compris que la coopération se nourrit de respect mutuel, de considération réciproque. Pour que prospère le bateau Ivoire, à l’eau tous les Fakaloh !
A très bientôt, plaise à Dieu.

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