Monsieur Sarkozy, j’ai appris, hier, que vous vous reposiez, en famille, au large de Malte, sur un yacht loué à Vincent Bolloré pour 173.000 euros la semaine et que certains de vos concitoyens « indignés » par le « luxe ostentatoire » d’une telle retraite essuient, depuis trois jours, le sarcasme de vos partisans. J’ai même lu, dans la presse de votre pays, cette réplique acérée de Eric Woerth, votre trésorier de campagne: « Je ne sais pas si la gauche a remarqué, mais les élections sont terminées »
Vous en conviendrez, c’est de l’actualité française. Il me plait donc de la laisser à son écoulement régulier, afin de m’interroger sur le sens de l’adresse que vous avez émise à l’ endroit de l’ « Afrique », dimanche dernier, place de la Concorde.
Vous avez dit, je m’en souviens : «Je veux lancer un appel à tous les Africains, un appel fraternel pour dire à l'Afrique que nous voulons l'aider; aider l'Afrique à vaincre la maladie, à vaincre la famine, à vaincre la pauvreté, à vivre en paix. Je veux leur dire que nous allons décider ensemble d'une politique d'immigration maîtrisée et d'une politique de développement».
Votre appel s’est dit fraternel et a cru devoir évoquer la « maladie », la « famine » et la « pauvreté » africaines. Votre intérêt va donc, peut-être, à cette Afrique grabataire puisque seule, celle-ci semble avoir été digne de figurer dans votre adresse solennelle. Or l’Afrique, vous le savez bien, a d’autres visages que ceux de la misère, de la famine et de la maladie. Sous ses dehors bienveillants, cette évocation paternaliste de l’Afrique, Monsieur le Président, ne peut que gêner.
Il y a un accent messianique dans le discours de l’homme qui dit «Je veux lancer un appel à tous les Africains, un appel fraternel pour dire à l'Afrique que nous voulons l'aider ». Une telle parole augure des lendemains d’infantilisation et a de quoi surprendre venant de celui qui a pu affirmer « l’Afrique n’est pas le pré-carré, de la France ».
Vous aviez semblé vous poser en homme du renouveau, traitant les pays africains comme des partenaires et non comme des sujets quand vous disiez récemment, « Je ne suis pas de ceux qui s’effrayent de l’expansion économique chinoise ou américaine en Afrique même si nous y avons une histoire, une ambition, des partenaires ». Vous aviez alors semblé défendre l’idée d’une politique économique responsable de la France, et de l’Union européenne, par opposition aux méthodes maffieuses d’une certaine Europe. La France, aviez-vous dit ne « ne doit donc plus hésiter à (…) se doter des mêmes moyens que ses partenaires dans la concurrence internationale. » Au lieu d’un tel discours fondé sur la compétitivité et la performance à quoi avons-nous eu droit dimanche? A une rhétorique messianiste, à une incantation néo-gaullienne pur.
Autant vous le dire franchement, un tel discours me semble mystificateur et anachronique. Non pas parce que l’Afrique aurait résolu à ce jour l’équation de la maladie, de la faim ou de la pauvreté, mais parce que l’Afrique est désormais en droit de ne plus rien attendre des promesses mirobolantes de messies à suffrages.
Monsieur Sarkozy, votre discours Place de la Concorde m’oblige à vous poser les questions suivantes : A quel titre, vous adressez-vous à l’ « Afrique » ? Le statut de Chef d’Etat français donne-t-il, de facto, celui d’interlocuteur d’un continent ? Une Afrique présentée de façon monochrome comme malade et affamée, peut-elle être jamais perçue comme partenaire ? Par ailleurs, comment dois-je comprendre que le 17 avril dernier vous ayez dit au sujet d’un certain chef d’Etat africain : « Je préfère rencontrer un chef d'Etat élu qu'un chef d'Etat qui se prolonge ». Vous ajoutiez à la même occasion, « La solution à la situation en Côte d'Ivoire, ce sont les élections. Les Ivoiriens ont droit à des élections démocratiques, et ces élections auraient du avoir lieu depuis longtemps ». Merci à vous de savoir mieux que nous ce dont nous avons besoin. Mais je pense que ce type d’attitude interventionniste est insultant, pour nombre d’ivoiriens et d’Africains.
Toutefois, j’aimerais moi aussi, vous lancer cet appel fraternel : en vous disant que votre combat contre l’immigration clandestine mérite d’être soutenu, voire universalisé. Je suis de ceux qui pensent qu’en France comme en Côte-d’Ivoire, l’immigration clandestine n’honore personne. Et il faut en sortir.
Les Etats africains n’ont pas le droit d’être complices de ceux de nos frères qui ont décidé de vivre en fraude chez les autres. Nous devons avoir le courage d’admettre que les expulsions d’étrangers, bien qu’elles soient médiatiquement choquantes, ne le sont pas moins que l’entrée par effraction chez autrui. Nous n’avons pas le droit d’être complices d’un droit à la fraude, d’un resquillage aseptisé.
Les terres traditionnelles d’immigration n’ont pas le monopole des devoirs et la meilleure façon pour nos frères d’avoir des droits chez les autres, ce serait déjà d’apprendre à respecter les règles élémentaires de la terre d’accueil : le charter, pour moi, n’est pas plus déshumanisant que les soutes et les cales par lesquels les candidats à l’immigration sauvage envahissent la terre des autres, biaisant leurs statistiques et troublant leur légitime besoin de maîtrise démographique.
En tout cas, tout espérant vous voir revoir bientôt, je formule pour vous et pour votre famille, mes vœux de santé et salue votre sens du réalisme que nous devrions tous chercher à intégrer, au lieu d’attendre, comme certains, d’hypothétiques dividendes de relations personnalisées avec les Sarkozy. Il me semble que vous êtes précisément un contre-exemple du népotisme, un symbole de l’effacement de l’individu au profit de l’idée, du programme.
Je ne suis pas du nombre de vos admirateurs et je m’attendais un peu à ce que certains de vos concitoyens contestent votre victoire. Cela ne fait pas moins de vous, un président légitime. Si la contestation suffisait à vous rendre illégitime, je dirais de vous que vous êtes déjà un président qui « se prolonge ». Vous êtes déjà contestés. L’humilité en guidera sans doute vos pas et propos. Merci encore de ne pas vous « prolonger » sur le yatch de Bolloré et bon retour. Nous aurons d’autres occasions d’échanger, je l’espère. J’attends votre réponse. Et à bientôt.
4 commentaires:
Que Sarkozy apprenne à respecter les africain. La CÔte-d'Ivoire n'est pas une province française.
suite a votre article " Je voudrais dire à Monsieur Sarkozy.."
je voudrais ici vous tirer mon chapeau et prier qu' un jour notre afrique soit reellement independante.
une afrique capable de determiner elle-meme son destin et ne pas toujour etre infantiliiser grace a des donneurs de lecons , que dis-je, des Sarkozi de vrais zozos, de vrais racailles; qui doivent lasser mon pays et ses dirigeant choisir la voie de sortie de crise; que Dieu le tout puissant benisse Le president et le premier ministre pour une paix veritable en cote d' Ivoire
God bless Cote D' Ivoire
cher edgar Nicolas sarkozy a bien fait de dire qu'il ne rencontre que des chefs d'états élus et que les ivoiriens ont droit d'élire leur président, où est le mal, trois personnes se battent dépuis les années 90 à la tête de l'état de C.I, ce qui apauvrit le pays et sans le Western Union certains de nos parents ne seraient, c'est au donc normal que les ivoiriens se choisissent leur président pour voir qui des trois entre ado, gbago et bedié est majoritaire, tant que les trois ne se seraient pas encore battus à des élections il y aura toujours des guerres dans notre pays , alors au lieu de toujours accusé les autres mieux vaut organiser des elections en C.I pour passer aux programmes des idées et non à la diffusion de la haine contre toujours un individu dépuis bedié en passant par guei et l'apothéose avec gbagbo, c'est la honte pour mon pays.
cordialement ton compatriote
ma contribution (un peu tardive mais néanmoins conjoncturelle) sera simplement de dire qu'en ce qui concerne le discours de Sarkozy place de la Concorde était en fait le préambule de ses propos dakarois, quant à la question de rencontrer un président élu plutôt qu'un président qui se prolonge,comment doit on juger la rencontre avec le "doyen" de Libreville. Le système électorale gabonais vient de se voir offrir une respectabilité inespérée (aux yeux des français, seulement)...Xavier Verschave doit se retourner dans sa tombe.
Enfin, sans rentrer dns la polémique, je demanderais simplement à Toti comment fait il pour organiser des élections dans un pays coupé en 2, s'il a la solution, je serais vraiment ravi de la lire
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